Des films, des reportages sur l’immigration italienne, il y en a pléthore qui mettent souvent en lumière la bravoure de ces hommes, pères, maris, frères ayant quitté femmes et enfants pour ce qu’ils pensaient être l’Eldorado. Mais, une fois sur place, parqués dans leurs baraquements de fortune, ces déracinés découvrent la grisaille des terrils qu’ils décrivent dans des lettres édulcorées. Ce que l’Italie ne pouvait pas leur offrir, un travail, ils sont venus le chercher en Belgique, ces deux pays qui étaient de mèche à l’époque, il y a 75 ans, où un homme valait un sac de charbon…
Jean-Michel Dehon parle de ces hommes, des nuits passées dans les mines, de leurs espoirs mais, il parle surtout de celles souvent restées dans l’ombre, les ragazze, les femmes qui, par amour, ont été souvent forcées de quitter leur Italie chérie. Ce sont elles qui prennent la parole, qui se confient des années plus tard face à la caméra, le regard nostalgique vers la vie qu’elles auraient eu si… Ces femmes, ces héroïnes, portant leurs enfants à bout de bras à la gare de Charleroi.
Elles ont accepté leur situation de fortune en attendant d’avoir un toit décent, elles ont élevé leurs enfants, elles ont appris la nouvelle langue pour pouvoir acheter du pain, elles ont attendu leur mari qui parfois ne revenait pas, elles ont soutenu leurs hommes qui n’en pouvaient plus, elles ont été là, contre vents et marées, patientes, fortes. Avec, toujours en tête, leur terre qu’elles ont quittée sans rechigner.
Addio Addio Amore nous plonge dans les décors d’hier et d’aujourd’hui, en Italie et en Belgique, en alternant images d’archive, photographies gardées précieusement, témoignages actuels dans l’intimité de ces dames qui n’oublient pas à quel point ce fut difficile de s’intégrer dans ce pays où la saveur des pomodori n’était pas la même, ces dames qui seront toujours étrangères là ou ici.
Aujourd’hui, je suis fière de ce trésor, de ces racines italiennes, d’être la petite fille d’une grand-mère qui parle deux langues, qui a deux cartes d’identité, qui a deux nationalités. Aujourd’hui, je veux que mes enfants s’appellent aussi Stefano et Mariano, je ne veux pas oublier. Je veux transmettre à mes enfants comme le font les protagonistes aux accents du sud mises en scène par Jean-Michel Dehon dans ce documentaire aux voix féminines qui chantent leur, notre histoire.